Conférence « Qu’est-ce qu’on mange demain ? »
La conférence qui s’est tenue à l’auditorium des Beaux-Arts de Caen le dimanche 18 novembre à 16h dans le cadre d’un manifestation organisée par plusieurs associations solidaires de la région était animée par Philippe Bertrand, de France Inter, en présence de Pierre Besse, maraîcher bio, un représentant de la Chambre d’Agriculture, Michel Besson, de l’association Andines et du directeur de l’usine des biscuits L’abbaye. Voici quelques-uns de leurs propos :
Pierre Besse, maraîcher bio dans la région de Toulouse : il distribue toute sa production en paniers. Le changement de comportement des consommateurs a eu un impact sur son travail. Il ne s’en sortait pas quand il ne faisait que les marchés. Maintenant, il vit bien. Cela incite des jeunes à s’installer. Ses légumes ne sont pas plus chers que dans les grandes surface, voire moins chers.
Chambre d’agriculture : le Calvados compte 250 producteurs bio dont 50% font de la vente directe. La Basse-Normandie est l’avant-dernière région en vente directe, soit 21e sur 22 ! Il y a 4% de terres bio en France : elles ont à peine doublé depuis le Grenelle.
Michel Besson : l’évolution des comportements est très lente. On n’est pas en démocratie économique : on n’a pas le choix de ce que l’on consomme. On est devenu des consommateurs avec un pouvoir d’achat, et plus des citoyens avec un revenu. Les mouvements alternatifs ne sont pas soutenus : les grands discours politiques restent sans suite.
Fabricant de biscuits L’abbaye : l’alimentation a perdu de sa valeur. Elle occupe 13% du budget des ménages. Le citoyen prend conscience du local, mais le 1er critère reste le prix. Il faut réapprendre à se préoccuper de ce qu’il y a derrière un produit.
Michel Besson : le système ultra-libéral récupère nos demandes populaires. Il absorbe le bio et l’équitable pour faire du profit. Il réduit les concepts en leur enlevant la philosophie des démarches. Ainsi, l’équitable a des relents paternalistes, voire colonialistes, alors qu’il est né d’une volonté d’égalité Nord-Sud.
Il faudrait étudier le commerce à l’école. Le devoir du citoyen est de s’informer ; il faut en prendre le temps. 50% des produits bio en France est importé : 1 salade bio de Pologne vaut 1 litre d’essence. 40% des aliments produits dans le monde sont mis à la poubelle.
Chambre d’agriculture : les exploitants changent leurs pratiques. Le fuel et les entrants étant de plus en plus chers, ils cherchent à en limiter l’usage.
Il n’y a plus que 2 abattoirs en Normandie : les bêtes font des kms dans les 2 sens.
Pierre Besse : les pesticides et les engrais n’ont plus d’avenir, trop chers et trop d’impact sur la santé. L’agriculture bio peut nourrir l’humanité. Si il y a des manques, c’est parce que l’on partage mal les produits. Il faut revenir à une agriculture paysanne, familiale. Il y a un grand risque d’appropriation des terres par les holdings au fur et à mesure qu’elle prennent de la valeur en se raréfiant. Les jeunes qui veulent s’installer ont des difficultés à accéder au foncier, tranformé en lotissements, routes, commerces…Il est indispensable que les consommateurs fassent une partie du chemin en étendant leurs demandes aux politiques, d’abord locaux. Près d’un grain sur 2 part à l’alimentation du bétail…
On ne va pas pouvoir transformer l’agriculture sans transformer la société.
Intervention de Terre de liens : pour 1,4M d’habitants en Basse-Normandie, il y a 15 mille agriculteurs. Il pourrait y en avoir 19 mille. Dans les politiques locales, devrait s’élaborer la notion de projet alimentaire territorial.
A l’issue de la conférence, il y a eu un échange avec la salle, révélant un profond besoin de la part du public de comprendre et de s’investir, tout en faisant part d’une grande impuissance. La question était : qu’est-ce que je peux faire à mon niveau ? Le désarroi était évident… Il ne faut pourtant surtout pas renoncer !
Michel Besse et Pierre Besson sont les auteurs de : La bio, entre business et projet de société